Bien que les travaux de protection contre les crues et de restauration environnementale de l’Yzeron se…
Spécialiste reconnu du génie écologique, Christophe Moiroud, directeur de projets à la CNR, conduit les opérations de restauration écologique des cours d’eau du bassin de l’Yzeron. Pour lui, l’intensification des périodes de stress hydrique impose une remise en cause des stratégies de plantations et de suivi du développement de la végétation. Explications.
Vous pilotez l’ensemble du programme de restauration écologique de l’Yzeron aval. Concernant les plantations en berges, quel bilan tirez-vous, notamment sur le secteur d’Oullins aval, terminé en 2015 ?
Une fois les travaux d’élargissement pour faire passer les crues réalisés, l’enjeu de la restauration écologique était de recréer un écosystème avec des plantes typiques des abords des cours d’eau. Dès le départ nous avons pris en considération les assecs en période estivale, qui sont caractéristiques du fonctionnement de l’Yzeron.
A proximité du lit mineur, nous avons donc privilégié des espèces qui nécessitent d’avoir « les pieds dans l’eau » : saules et hélophytes (iris, salicaires, baldingère…) et installé des essences plus adaptées au sec sur les berges et banquettes (noisetiers, érables, frênes, cornouillers, viornes, troènes…). Cette adaptation de la distribution des espèces selon le profil en travers du cours d’eau s’est avérée pertinente. Après quelques saisons de recul, et malgré des coups de chaud de plus en plus fréquents et des assecs qui s’étendent entre juin et fin octobre, le bilan reste positif.
Les saules, qui constituent près de 70% de la biomasse aérienne installée, se comportent très bien, bien qu’il n’y ait pas d’eau dans la rivière en période estivale. Ils possèdent des systèmes racinaires de 1 à 2 mètres de profondeur qui leur permettent d’aller chercher l’eau dans la nappe, dite nappe d’accompagnement. Hormis à Oullins où la nappe est plus profonde, partout ailleurs, elle reste affleurante au lit de la rivière. Les saules trouvent donc des conditions satisfaisantes pour se développer, même sans eau en surface.
Pour les espèces implantées sur les talus, nous avons également un taux de réussite de l’ordre de 90%. Les semis résistent très bien, car ils ont une grande plasticité écologique. Même s’ils jaunissent sous l’effet du manque d’eau, ils repartent dès la première pluie.
Mais on constate cette année que certaines espèces arbustives commencent à souffrir, notamment sur les hauts de berges, ce qui doit nous alerter sur la pérennité de ces plantations.
Pourquoi ces espèces deviennent-elles plus fragiles, après 4 ans de plantation ?
Le stress hydrique répété est la principale raison. Etant généralement en haut de berges, avec des sols parfois drainants, ces végétaux ne peuvent bénéficier, en terme de besoin en eau, que de la pluie pour leur croissance. Sans précipitations suffisantes et régulières, au bon moment, ils déclinent, sèchent et meurent. Cette année, nous avons eu un hiver très sec, suivi de coups de chaleurs brutaux dès avril, juste après la période de débourrage (sortie des feuilles) des arbres (fort besoin d’eau), le stress a donc été particulièrement fort et a entraîné la mortalité de certains sujets.
Quelles conséquences tirez-vous de ces premiers signes de mortalité ?
Dans un contexte de réchauffement climatique avéré, ces signes sont une alerte.
Ils imposent de requestionner les principes du génie écologique, dont la finalité est de favoriser la résilience des écosystèmes.
Les essences les plus affectées par le stress hydrique ont été plantées en tiges ou en cépées, donc avec déjà un certain développement. Les plants ont été arrosés pendant deux saisons de végétation. Il faut comprendre pourquoi certains meurent au bout de 4 ans : ont–ils insuffisamment développé leurs systèmes racinaires ? L’arrosage initial a-t-il été bien dosé ? Vaut-il mieux privilégier des arbres moins développés, pour les aider à s’adapter à des conditions météo de plus en plus dures ? Faut-il envisager de planter des essences encore plus résistantes au sec, comme les argousiers, bien adaptés aux milieux drainants ?
Toutes ces questions méritent des analyses approfondies, une surveillance fine des milieux restaurés pour vérifier leur évolution et des travaux de recherche sur l’évolution des systèmes racinaires et l’assèchement des talus.
Mais il faut aussi savoir faire preuve de bons sens. Nous avons donc déjà prévu d’adapter en conséquence les plans de plantation que nous allons très prochainement débuter sur le secteur de la RD342 à Sainte Foy-lès-Lyon. Sur certains linéaires, en haut de berges, exposés au Sud, nous pensons inutile de planter des arbres en tiges ou en cépée, sauf à les voir péricliter rapidement. On ne peut plus raisonner comme il y a 10 ou 20 ans, le changement climatique modifie de manière assez évidente le travail avec le vivant.